Chapitre 1
Par un après-midi d’automne ensoleillé, le bel homme échevelé et poussiéreux arriva à pied au village de Yamaska. Il traînait avec lui qu’un gros sac à dos vert kaki en toile hydrofuge et une vieille valise brune deux fois son âge. À le regarder, on aurait pu croire qu’il fut transporté là par une bourrasque. Son visage carré, avec l’apparence dure comme le cuir résultant d’un trop plein de soleil, lui donna un air très mystérieux et intimidant. Par contre, les curieux qui auraient l’impolitesse de le reluquer plus longtemps pourraient remarquer une tristesse au fond du regard que seuls les gens qui ont vécu l’enfer sur terre pourraient avoir.
Puisque son estomac grondait depuis un bon deux heures maintenant, il s’arrêta au restaurant Ti-Den sur la route 132. N’étant pas du coin, comme dans chaque petit village qui se respecte, les clients le suivirent des yeux, curieux d’en savoir plus long au sujet de cet inconnu. Aussitôt qu’il fut installé à une petite table proche de la grande vitrine, la serveuse est venue prendre sa commande.
— Je vais prendre un club sandwich, viande blanche, avec un gros Pepsi diète. Et en attendant, je vais aller me débarbouiller un peu aux toilettes. Si c’est prêt avant que je sorte, pouvez-vous avoir l’amabilité de venir cogner à la porte s’il vous plaît? demanda-t-il.
Dix minutes plus tard, alors que la serveuse s’apprêtait à avertir l’inconnu que son repas était servi, il sortit juste à temps. Visiblement, il avait fait plus que se débarbouiller un peu! Il s’était même donné la peine de se laver les cheveux dans le petit lavabo et les avait attachés en arrière avec un élastique. Il avait changé de vêtements aussi, troquant son t-shirt gris sale pour une chemise en jeans, quoique fripée, mais l’important c’est qu’elle était propre et il sentait bon.
Après avoir englouti son repas comme s’il n’avait pas mangé depuis une semaine, il alla payer l’addition, et en profita pour demander quelques renseignements à la caissière avant de partir.
— Savez-vous s’il y a une petite maison meublée à louer, libre immédiatement, peu m’importe le côté du pont.
— Je crois qu’il y a une maison mobile à louer, pas trop loin d’ici sur le rang Bord de l’Eau, mais il faudrait appeler. À part là, je ne crois pas qu’il y en ait grand-chose d’autre dans le coin. À l’automne comme ça, les places sont pas mal toutes habitées, surtout les maisons, dit la caissière en lui remettant un bout de papier avec le numéro de téléphone et l’adresse du propriétaire.
— Une maison mobile ferait bien mon affaire, je vous remercie beaucoup, dit l’homme.
Il alla tout de suite appeler pour s’informer, et heureusement il réussit à obtenir un rendez-vous pour une visite dans une demi-heure. Ça lui donna amplement le temps de s’y rendre à pied.
* * *
La maison meublée en question était la première à gauche en entrant dans un parc de maisons mobiles. Il y en avait sept en tout. Celle-ci était parallèle au rang. De l’autre côté de la route, il y avait un champ de maïs qui longeait la rivière Yamaska.
La première chose qu’il remarqua en entrant c’était les trous de balle de carabine 22 ici et là dans les murs et dans une porte d’armoire. Il s’avança vers l’un d’eux, et le toucha de son index.
— Qu’est-ce qui s’est passé ici? demanda-t-il.
— Ce que j’ai entendu dire c’est qu’il y a plusieurs années, un locataire s’était mis à consommer de la drogue puis il a perdu le nord. Un soir, il s’est chicané avec sa femme, et il s’est mis à tirer partout. L’ancien propriétaire les a jetés dehors après ça. Y’a pas blessé personne par exemple, heureusement, expliqua le propriétaire.
— Je ne peux pas vivre ici, désolé. Avez-vous une autre maison de libre? demanda l’inconnu.
— Oui, la troisième sur le même côté que celle-ci est libre, mais elle n’est pas meublée.
— Je pourrais vous aider à transférer les meubles, et vous donner un petit supplément pour votre effort. Qu’en dites-vous? proposa l’homme.
L’offre de déménager les meubles fut acceptée, et le propriétaire ne voyait aucun inconvénient à lui louer au mois, sans bail, et curieusement sans références. L’inconnu lui paya quand même trois mois d’avance en argent comptant.
Un peu moins d’une heure plus tard, la maison était prête à habiter. Le propriétaire lui avait même donné un ensemble de draps pour son lit, deux serviettes de bain et quelques morceaux de vaisselle pour le dépanner. Il ne lui manquait que de la nourriture, qu’il alla aussitôt acheter à l’épicerie à l’entrée du village, et la fit livrer.
* * *
Pendant que se produisait de nombreuse allées et venues devant chez elle, la voisine qui habitait la première maison mobile à droite en entrant dans le parc, la seule à être perpendiculaire à la route, écorniflait dans sa fenêtre de salon. Elle était certaine d’avoir déjà vu cet homme nouvellement arrivé sur les lieux, mais ne réussit pas à trouver où ni quand. Elle décida enfin de consulter ses cartes de tarot pour voir si elle ne découvrirait pas quelque chose à son sujet. Elle n’avait pas l’habitude de tirer les gens aux cartes à leur insu, mais cette fois-ci, elle fit exception, car il provoqua en elle un bien drôle de sentiment, un qu’elle n’était pas certaine d’apprécier.
Pour la première fois de sa vie, les cartes n’évoquèrent en elle ni vision, ni pressentiment, comme si elles n’avaient rien à annoncer. Elle décida alors d’aller se présenter à lui en bon voisinage et alla cogner à sa porte alors qu’il était sur le point de ranger sa nourriture qu’on venait de lui livrer.
— Bonjour Madame, que puis-je faire pour vous? demanda l’homme.
— Bonjour, je suis votre voisine d’en face là bas, dit-elle en pointant sa maison. Je m’appelle Gloria Larochelle. Je suis venue vous souhaiter la bienvenue au parc de roulottes, et vous dire en même temps que si vous avez besoin du téléphone en attendant que le votre soit installé, ou quoi que ce soit d’autre, vous n’avez qu’à venir cogner, je suis presque toujours à la maison.
— Je vous remercie, mais j’ai un téléphone cellulaire, et ça me suffit. Mais justement après avoir rangé un peu ici, j’avais l’intention d’aller faire connaissance. Je vous ai vu tout à l’heure regarder par la fenêtre. Alors, je me présente à mon tour, je suis Kabryzyo.
— C’est un nom original! C’est votre prénom ou votre nom de famille? demanda Gloria.
— C’est mon nom tout court. Je n’ai pas de nom de famille, répondit Kabryzyo.
— Comme Mitsou et Kathleen alors! Êtes-vous un artiste? Vous venez de quel endroit?
— Non, je ne suis pas un artiste. Merci encore pour votre offre du téléphone Madame Larochelle, je vais devoir vous laisser pour le moment. J’ai des trucs qui doivent être mis au congélateur assez rapidement, dit Kabryzyo, pour mettre un terme au questionnaire.
— Oh, pas de problème! À tantôt alors? Je vous invite à prendre un café. On peut se tutoyer? demanda-t-elle.
— Bien sûr! À tantôt Gloria! dit-il en refermant la porte aussi vite.
Bien que Kabryzyo fût préparé à toutes éventualités, il n’aimait pas se faire questionner sur sa vie privée aussi rapidement après son arrivée, mais en même temps, il ne voulait surtout pas attirer les soupçons. Il devra lui donner un peu d’information quand il ira chez elle, tout en lui donnant l’impression qu’il est réservé de nature, sinon elle ne lâchera pas le morceau.
Après avoir fini de ranger son épicerie, la sonnerie de son cellulaire retentit. Il regarda la provenance de l’appel avant d’y répondre. Ensuite, il porta l’appareil à son oreille, et écouta attentivement pendant quelques secondes, sans rien dire. Il regarda l’heure sur sa montre-bracelet, et plutôt que de remettre le téléphone dans sa poche de pantalons, il ramassa sa vieille valise qui était restée dans le salon sur le canapé, mis le téléphone dedans en s’assurant de bien la verrouiller. Plutôt que d’aller mettre celle-ci dans le placard de sa chambre à coucher, il alla la placer sur la tablette de la garde-robe de la petite chambre inutilisée.
Kabryzyo retourna à la cuisine, il se planta devant sa porte d’entrée principale, et regarda continuellement sa montre, comme s’il attendant quelqu’un avec impatience. À 15 h 32 pile, il sortit de chez lui d’un pas lent, mais déterminé, et se dirigea en direction de chez Gloria. Il regarda le petit garçon de cinq ans sur le terrain devant lui, et vit son ballon rouge rouler dans la ruelle. Un regard vite fait vers sa droite lui permit de confirmer l’arrivée de la vielle Corvette Stingray bleu foncé, qui avançait à toute vitesse. Malgré ça, l’inconnu continua à avancer vers le chemin, le petit garçon aussi. Au moment où l’enfant s’apprêtait à ramasser son ballon, Kabryzyo le poussa vers l’arrière, et il atterrit sur la pelouse. Il était secoué, mais sain et sauf puisque c’est l’inconnu qui a reçu pleinement l’impact du véhicule à sa place.
— Oh mon Dieu! s’écria le conducteur en sortant de son auto. Êtes-vous correcte? Avez-vous besoin d’une ambulance?
— Non, pas d’ambulance. Pouvez-vous juste me donner un coup de main pour me relever s’il vous plaît? Comment va le petit? s’empressa de demander Kabryzyo.
Valérie, la mère du petit était déjà sur place, son garçon dans bras, en train de le consoler, et de le gronder en même temps.
— Pis toi Joël Potvin, vas-tu finir par comprendre qu’il y a un enfant qui habite ici! J’te jure, si j’te vois encore une fois rouler comme un débile mental, j’vais détruire ton estifie de char à coup de masse! cria Valérie.
— Je suis vraiment désolé! J’me sens tellement mal là, dit Joël en essuyant une larme avec sa main tremblante.
Marc, le père de Joël arriva en courant. Après qu’on lui ait expliqué ce qui venait d’arriver, il ordonna à son fils de rentrer immédiatement à la maison à pied, qu’il se chargerait de conduire l’auto dans le garage.
— Ben là! Je suis capable de le chauffer moi-même! rouspéta Joël.
— Il n’en est pas question! Donne-moi tes clés!
— WO! Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi! Je suis majeure même aux States maintenant, au cas où tu ne t’en souviendrais pas!
— Comment veux-tu que je l’oublie? Tu me le répètes tous les jours depuis l’obtention de tes 21 ans. Mais tant et aussi longtemps que tu vas agir en ado de 15 ans, je vais te traiter comme tel. Si ça ne fait pas ton affaire, tu prendras tes guenilles puis ta réguine, et tu iras vivre ailleurs.
Voyant qu’il n’avait pas le choix, Joël se résigna à lui remettre les clés, et de se diriger à la maison pour se faire sermonner par le « Trio Big Marc ». Il avait baptisé ses parents ainsi alors qu’il était encore adolescent, quand, à la grande surprise de son père, sa mère s’est découvert une attirance lesbienne envers une femme de l’Alberta qu’elle avait rencontrée sur le net, pour finalement s’amouracher d’elle. Après quelques visites de part et d’autre, le couple original décida de l’inviter au Québec pour y vivre en trio amoureux avec eux. Il faut préciser que Marc n’avait pas vraiment le choix d’accepter cette nouvelle venue s’il ne voulait pas perdre son épouse! Avec le temps, il a appris lui aussi à l’apprécier, et même l’aimer presque autant que sa vraie femme. Joël continua d’espérer qu’elle retourne d’où elle vient.
— Ça va monsieur…?
— Kabryzyo. Oui, ça devrait aller. Je vais aller prendre un comprimé pour la douleur, et m’élonger un peu, dit-il en pointant sa maison.
— Oh! Vous êtes notre nouveau voisin alors? Moi, c’est Marc Potvin, dit-il en lui tendant la main. J’habite juste en arrière de chez vous. Pensez-vous porter plainte à la police? Je comprendrai si c’est le cas, mais j’aimerais juste savoir à quoi mon fils peut s’attendre. Joël ce n’est vraiment pas un mauvais gars. Il est jeune puis des fois il ne réfléchit pas trop avant d’agir, mais il a bon cœur. Ça serait vraiment dommage qu’il perde son permis! Il vient tout juste de commencer à travailler comme ambulancier. Il y a peut-être un autre moyen de le punir sans passer par la police?
— Non, je ne compte pas porter plainte. Personne n’est blessé sérieusement. Je vais probablement avoir plusieurs hématomes, et être endolori pendant quelques jours, mais rien de grave. J’ai confiance que le jeune a appris sa leçon. Il avait franchement l’air désolé. Il faudrait vous assurer que la mère du petit ne le fasse pas non plus. Maintenant, je vous demanderais de bien vouloir m’accompagner jusqu’à ma porte, je commence à avoir de la misère à me tenir debout.
— Oui bien sûr!
Kabryzyo se tourna dans la direction de Gloria, qui était sur son perron à regarder la scène, et lui cria :
— On va se reprendre une autre fois Gloria!
Elle acquiesça d’un signe de tête, et rentra chez elle, déçue.
— Tu connais Gloria? Tu permets que je te tutoie? demanda Marc.
— Pas de problème, j’aime pas trop les formalités. Puis non, je ne la connais pas vraiment. Elle est venue chez moi se présenter à mon arrivée, et m’a invité à prendre un café, c’est tout.
— Peter, ton voisin de l’autre bord, est en amour avec elle. Il la voit dans sa soupe. C’est pas de mes affaires, remarque, mais j’te dis ça de même, au cas au t’aimerais savoir si t’aurais de la compétition.
— Il n’a pas à s’inquiéter. Je ne jouerai pas dans ses plates-bandes.
— J’disais ça de même! Bon, je vais te laisser te reposer.
Après le départ de Marc, Kabryzyo attendit quelques minutes pour s’assurer que personne ne viendrait voir comment il allait. Puisque ce n’était pas le cas, il alla chercher ses bagages dans la petite chambre, les apporta dans sa chambre à coucher, et les déposa sur son lit. Sous les nombreuses liasses d’argent dans sa valise, il y avait un faux fond qui cachait non seulement un pistolet Glock 22, mais aussi divers flacons de pilules, de fioles et de seringues. Il choisit une fiole contenant un liquide mauve, baissa ses pantalons, et s’injecta le contenu dans la fesse. Après avoir rangé le tout sur la tablette de son placard, il s’élongea sur son lit, et s’endormit dès l’instant où sa tête toucha l’oreiller.
* * *
Lorsque Kabryzyo se réveilla enfin, la première chose qu’il fit c’est de regarder sa montre. En constatant avec regret qu’il avait dormi un bon trois heures, il se leva d’un bond, et alla se rafraîchir un peu à la salle de bain. La douleur de ses blessures fut presque tout estompée. Son reflet dans le miroir l’inquiéta un peu par contre. Les traits tirés de son visage lui donnèrent l’apparence d’avoir vieilli d’au moins dix ans. Cela voulait dire qu’il ne fallait pas tarder!
Kabryzyo sortit un yogourt à boire à saveur de fraise de son réfrigérateur, et l’engloutit d’une traite. Ça allait devoir lui suffire en attendant de manger un vrai repas. Il quitta alors son domicile à la presse.
Gloria était à sa fenêtre de salon quand son nouveau voisin passa devant. Perplexe de le voir aussi vigoureux après l’accident, elle se garrocha à sa porte d’entrée, l’ouvrit, et cria son nom avant qu’il soit rendu trop loin pour la voir.
— Désolé Gloria, je suis pressé. On se reparlera demain. Ne t’inquiète pas! Je vais beaucoup mieux!
— J’vois ben ça! dit-elle tout bas en lui envoyant la main.
Kabryzyo continua sa marche jusqu’au pont Camille Parenteau. Il se rendit jusqu’au milieu, en empruntant la voie pour les piétons, avant de s’arrêter sur le bord, face à la rivière. Il resta stationnaire un moment à regarder l’eau couler comme s’il était hypnotisé par elle, pendant que les traits de son visage s’adoucirent de plus en plus. Après, il sortit son téléphone cellulaire, pesa sur un bouton rouge, et le porta à son oreille.
— Tu es en retard Ryz!
— À peine! se défendit Kabryzyo.
— Ça commence bien mal ton affaire! Tu connais l’importance d’être à temps, dit la voix masculine.
— J’ai dormi trop longtemps. Mes blessures étaient pires qu’estimées.
— Tout est une question de synchronisme! Un simple écart peut tout faire foirer! gronda l’homme.
— Je suis désolé! Je vais faire mieux dorénavant.
— Bon, l’important c’est que tu ailles bien maintenant. J’étais inquiète. Reste là, sur le pont, pendant encore dix minutes avant d’aller souper. On se reparle demain soir, dit l’homme.
Il regarda sa montre afin de compter les minutes restantes quand une auto s’arrêta de l’autre côté de la route. La conductrice baissa sa fenêtre, et cria :
— Ça va monsieur? Avez-vous besoin d’aide?
— Oui ça va! J’admire le paysage, mentit Kabryzyo.
Pas convaincue, la femme sortit de sa voiture, et traversa pour le rejoindre.
— Vous allez sûrement me dire de me mêler de mes affaires, mais voyez-vous, j’ai déjà été témoin d’un plongeon suicide en bas du pont Turcotte à Sorel-Tracy il y a quelques années. Je ne veux pas revivre ça! Alors, je vais rester là, dans mon auto, téléphone en main, et attendre que vous ayez fini d’admirer la rivière.
— Vous êtes vraiment gentille, et je comprends votre inquiétude, mais je vous assure que ce n’est pas nécessaire. Je viens ici pour méditer. Le bruit de l’eau m’aide à y arriver. Si vous repassez dans les prochains jours vers la même heure, vous risquez de m’y revoir!
— À demain alors! dit la femme en s’éloignant.
Kabryzyo ne savait pas trop si cette femme pouvait lui occasionner des problèmes, mais il n’avait pas le choix que d’endurer sa présence, et espérer qu’elle ne revienne pas tous les soirs pour le guetter comme ça. Il partit lorsque les dix minutes furent écoulées, et se rendit au club vidéo non loin de là. La femme le suivit lentement, mais ne s’arrêta pas quand elle vit qu’il entrait dans le commerce.
Il regarda distraitement les pochettes de films sur les étagères en attendant que le client au comptoir ait fini. Quand ce fut son tour, il s’avança, et dit à la commis qu’il voulait s’inscrire.
Elle lui demanda alors une pièce d’identité, qu’il lui présenta sans hésiter, et elle remplit sa fiche. Reconnaissant son adresse elle dit :
— Ah non! Vous avez emménagé dans la maison mobile que je voulais louer. Tant pis pour moi! Je n’ai pas été assez vite. J’étais censée aller la voir demain après mon travail.
— Oups! Je suis désolé! Je ne savais pas que quelqu’un d’autre était intéressé.
— Ce n’est pas de votre faute. J’aurais bien aimé que monsieur D’Arche me prévienne par exemple! J’aurais pu continuer à faire des appels pour me trouver un autre endroit. Je dois quitter mon logement le plus vite possible. Oh! Je vous prie de m’excuser monsieur. Je me suis laissé emporter. Puis-je faire autre chose pour vous?
— Il y a toujours la première maison à gauche en entrant dans le parc de roulotte à louer. Au début, c’est elle qui voulait me louer, mais j’ai préféré l’autre, dit Kabryzyo.
— C’est qu’elle est louée meublée celle-là. J’ai mes meubles déjà alors…
— Non, c’est moi qui ai les meubles maintenant. Nous les avons transférés. La maison est complètement vide, l’informa Kabryzyo.
La jeune femme regarda l’horloge, et dit :
— C’est super alors! Je vais terminer de m’occuper de vous et après je vais lui téléphoner. S’il veut, j’irai signer le bail ce soir à la fin de mon travail. Maintenant, désirez-vous louer un film?
— Oui, mais je n’ai aucune idée quoi écouter. Avez-vous quelque chose à me proposer? demanda-t-il en regardant la pochette du film 2012 que le dernier client venait de rapporter.
— Ben, il y a celui-là justement, si vous ne l’avez pas encore vu. Il date de deux ans par exemple, mais très actuel comme histoire. C’est inspiré de la croyance populaire voulant que la fin du monde soit prévue pour décembre 2012, selon le fameux calendrier maya qui se termine en cette date, lui résuma la commis. Dans le film, c’est un réchauffement du noyau de la Terre qui est en cause. C’est bon!
— OK! Alors, c’est un film à catastrophes! Je vais le prendre. Ensuite, je vais te laisser placer ton appel au proprio. Au fait, je peux savoir ton nom, étant donné qu’on sera possiblement des voisins, demanda Kabryzyo.
— Certainement! Je m’appelle Korinne Raymond.
Kabryzyo paya pour son film, salua Korinne après s’être entendu qu’ils se tutoient dorénavant, et s’en retourna chez lui. Il ne put s’empêcher de ricaner en route. Premièrement, il n’avait pas de télévision, encore moins un lecteur DVD. Deuxièmement, il savait bien que la fin du monde n’aurait pas lieu en décembre 2012!