Je ne suis pas en deuil. Voilà! C’est dit! Ben quoi? Pourquoi me regardez-vous comme ça? Suis-je l’exception? Suis-je anormale de ne ressentir aucune véritable tristesse pour des gens dans le milieu artistique que je ne connais pas? Ai-je le cœur dur? Ah! Je sais qui ils sont, et en grande partie, ce qu’ils ont accompli dans leurs vies publiques. Mais de là à dire que je les connais? Non! Je trouve ça dommage qu’ils soient décédés, tout au plus. Pourquoi éprouverais-je de la peine pour quelqu’un à qui je n’ai jamais parlé? Pourquoi il y a un deuil collectif quand un artiste, ou un imprésario meurt, à un âge respectable, par surcroit?
Il y a des médecins qui meurent après avoir passé leurs vies à sauver celle des autres, possiblement même la vôtre, et personne n’en fait un plat, sauf leurs proches bien entendu. Tous les jours, il y a de braves pompiers, policiers, qui perdent la vie après l’avoir passée à sauver celle des autres également, et encore là, ça passe sous silence. Expliquez-moi pourquoi le fait de chanter devant le monde, de vendre ou de produire des disques fait d’eux des gens dignes de recevoir les plus grands éloges? Pourquoi qu’avoir un de ces artistes dans notre famille nous garantit automatiquement plus de témoignages de sympathie que quiconque?
Quand David Bowie est décédé, combien d’entre vous, grands admirateurs, qui avez partagé une vidéo de lui sur Facebook avec un gros « RIP » en statut, avez même déjà possédé un de ses albums? Avouons-le, « Ground control to major Tom » se résume pas mal à ce que plusieurs endeuillés connaissaient de lui avant qu’ils apprennent la nouvelle. Combien d’endeuillés Facebookiens d’aujourd’hui ont été les critiqueurs d’hier envers ces mêmes personnalités publiques? Vous allez faire quoi quand ce sera le tour d’un de vos proches? Je veux dire, si vous êtes à ce point éprouvés quand un artiste meurt.
En 1993, l’anthropologue britannique Robin Dunbar a publié une étude voulant qu’en tant qu’être humain, et ce dû à la taille de notre néocortex, nous ne pouvons pas entretenir des relations amicales stables avec plus de 150 personnes à la fois. Pour ma part, je préfère éprouver de la véritable sympathie pour un de ces cent-cinquante là que je connais pour de vrai.