Depuis la toute première neige, depuis le début de notre arrivée à cet endroit qu’on a baptisé le Québec, se plaignent les gens contre elle. Il me semble que depuis le temps ceux qui y habitent devraient se faire une raison et se préparer mieux à sa réalité, à son arrivée. Nous sommes au Québec ici, pis ici y neige tous les maudits hivers! De plus, changement climatique ou non, ça risque de continuer de même encore longtemps, ne vous en déplaise!
Me v’la encore en train de faire la morale aux autres, mais je ne suis pas mieux que vous dans le fond. Arrivée le mois de novembre, j’anticipe aussi les prochains mois avec découragement. Cependant, pour moi, comme pour plusieurs dans ma situation, ce n’est pas de devoir la pelleter cette marde blanche qui me fait chialer. Ce n’est pas de devoir me taper la corvée d’aller faire changer mes pneus d’hiver ni de risquer de rester pris dedans avec mon auto. Ce n’est pas non plus le froid qui fait dehors. Cette première marde blanche qui nous tombe dessus chaque année m’annonce le début de mon hibernation.
J’appelle ça mon hibernation, mais je pourrais aussi bien dire que je commence mon emprisonnement à domicile. La différence est que moi je n’ai aucun bracelet électronique après la cheville, j’ai de la marde blanche dehors qui m’empêche de sortir. Mes hivers je les vois passer au travers les fenêtres de mon appartement. Une chaise roulante c’est pas conçue pour braver l’hiver dans notre beau pays. Il y a certainement des modèles de fauteuils roulants qui le permettent, vous allez me dire. Oui, probablement, sauf que pour le commun des handicapés qui vit dans la pauvreté, comme la plupart d’entre nous d’ailleurs, c’est tout simplement un rêve impossible. La RAMQ ne paye pas pour ça. Même le père Noël ne peut pas nous apporter ces super modèles aux prix exorbitants.
Dans le fond, je me plains là, mais il y a pire que moi. Il y a les handicapés seuls! J’ai un mari extraordinaire qui lui se plaint rarement de la marde blanche, et j’ai mes deux merveilleux petits fils qui viennent me voir régulièrement. À part eux par exemple j’ai très rarement de la visite, de la vraie visite là, de monde qui viennent faire un tour pour me voir, pour me voir moi, pas pour me demander un service. Mes amis ont leur vie, leurs responsabilités, leurs activités… Oui, je les invite à venir prendre un café! Ils promettent de passer un de ces quatre. Les années passent et j’attends encore… On retrouve des Tim Hortons pratiquement à chaque coin de rue. Pourquoi se donner le trouble de venir en boire chez moi. Peut-être que me voir malade les déprime. La marde blanche, plus me voir malade, j’avoue que ça doit être déprimant rare!
Tant qu’à faire la morale aux autres, je vais vous donner un petit conseil. Quand vous décidez de faire une « bonne action », et d’y aller le prendre votre café chez la personne qui ne peut que regarder la marde blanche par la fenêtre, allez-y pas. Non n’y allez pas, parce qu’elle va le savoir que vous y êtes que par pitié. Et pour une personne malade ou âgée, ce qui est presque pire que leur triste sort, c’est la pitié qu’on leur fait ressentir uniquement pour avoir la conscience tranquille.
« Il fait-tu frette?! » Ben moi j’ai juste le gout de vous étouffer avec votre maudit coton ouaté! Ha ha ha.