Heureusement, je suis mariée à un homme bon et doux ! Tellement doux qu’il ne tue même pas les mouches (ou d’autres insectes indésirables) qui entrent dans la maison. Il les attrape au vol et les relâche dehors sans les blesser… Cela n’a pas toujours été le cas dans ma vie, car avant de le rencontrer, j’ai vécu beaucoup de violence conjugale de la part de deux de mes ex-conjoints. J’aurais très bien pu y laisser ma peau, car l’un des deux a même tenté de me tuer.
Je n’éprouve pas le besoin de revenir 37 ans en arrière, dans la noirceur de ces souvenirs traumatisants, mais j’ai encore une fois l’impression que parler de mes expériences pourrait amener certaines personnes à réfléchir, voire à agir. J’ai eu de la chance dans mon malheur, car lorsque j’ai dû quitter deux ex-conjoints violents, je n’étais pas encore en fauteuil roulant. À l’époque, je pouvais encore vivre seule, trouver refuge dans un centre pour femmes battues, ou, en dernier recours, acheter une tente et la dresser à l’orée d’un bois quelque part, si nécessaire.
Si je devais revivre toute cette violence aujourd’hui, avec mes problèmes de santé actuels et à mon âge, je ne sais pas comment je pourrais m’en sortir. Ma situation physique est bien différente de ce qu’elle était à l’époque, et la moindre difficulté est désormais bien plus compliquée à surmonter. C’est effrayant de penser à ce que cela impliquerait, car je n’aurais plus la même capacité de fuir ou de me protéger.
En pleine crise du logement, les femmes battues à mobilité réduite qui n’ont pas de famille ni d’amis sur qui compter, n’ont tout simplement pas le luxe de s’en sortir. Les centres pour femmes en difficulté ne sont pas adaptés, du moins pas dans ma région. Alors, je repose la question : que fait-on pour des personnes comme nous ? Absolument rien ! Rien du tout ! Il faudrait agir, et vite, avant qu’elles ne viennent grossir les statistiques des féminicides.