Prologue
Assise devant une page blanche de son logiciel d’ordinateur, elle se creuse les méninges pour trouver quelque chose d’intéressant à écrire. Une autobiographie lui a déjà tenté mais ses souvenirs douloureux encore trop à fleur de peau la dissuade. Elle ne sait pas trop la raison pourquoi elle décide d’écrire, si ce n’est que son amie, une voyante, lui a prédit qu’un grand changement se produirait dans sa vie et qu’elle ferait quelque chose de créatif, telle que d’écrire un livre. Idéalement cette oeuvre pourra aider quelqu’un, qui sait?
À ce qui parait, on doit écrire sur un sujet qu’on connaît très bien si on espère réussir quelque chose qui mérite d’être lu. La misère humaine semble alors un excellent choix pour cette écrivaine novice. C’est un bon point de départ. Il lui reste qu’à trouver la victime qui a subi toute cette misère sans nécessairement en faire un récit précis de son vécu. Faudrait qu’elle se contente de s’en inspirer et voir ou ça la mène. Dans le fond, pourquoi chercher ailleurs? Elle pourrait s’inspirer de son propre vécu. Après tout, Dieu en est témoin, elle en a connu des déchirements émotifs!
Les noms des personnes qui ont servi d’inspiration pour écrire ce récit furent changés, afin de protéger leur réputation et vie privée. Certains ne sont que des personnages inventés de toutes pièces par l’auteure.
Chapitre 1
« Enzo peux-tu venir voir Izzy s’il te plaît? Elle est en crise et je n’arrive pas à la calmer. C’est pas bon pour le bébé ça! Elle est en train de déchirer tout son linge de maternité. Il ne lui reste que la jaquette qu’elle a sur le dos. Je ne sais plus quoi faire! » Supplia Madame Perron au téléphone avec le meilleur ami de sa fille. Il était la seule personne qui pourrait l’aider.
« Pas de problème Madame P, donnez-moi dix minutes et j’arrive. » Accepta Enzo. Faut dire qu’il ferait pas mal tout pour Izzy. Il en est amoureux par dessus la tête mais elle ne le voit pas.
Izzy n’a que son Leslie dans la tête et dans le coeur. Il est parti trop vite. Elle n’a pas eu le temps de lui avouer être enceinte. À vrai dire, ce n’est que l’excuse qu’elle se donne car oui elle a eu le temps, après tout elle était enceinte de quatre mois mais elle a tout simplement manqué de courage. Elle avait peur que Leslie pense qu’elle est tombée enceinte pour le piéger. Elle ne pouvait pas supporter que l’homme qu’elle aimait aveuglément puisse la juger.
Leslie a dû déménager à l’autre bout du pays pour reprendre l’entreprise familiale puisque son père était mourant. Le matin qu’il est allé lui annoncer la nouvelle, Izzy l’a laissé partir de chez elle pour la dernière fois sans même lui déclarer son amour pour lui. Elle était figée sur place, incapable de dire un seul mot. Elle lui a même tourné le dos quand il a ouvert la porte pour sortir, comme si elle était complètement indifférente, pour ne pas qu’il voit les larmes couler sur son visage. C’était comme si elle vivait un cauchemar et s’attendait à se réveiller d’un instant à l’autre. Elle regrettera ce moment déterminant le reste de sa vie parce que ça a déclenché une espèce d’effet domino qui l’affecta dramatiquement pour le reste de son existence.
Un mois après que Leslie l’eut quittée, Izzy a abandonné son logement et est retourné habiter dans l’appartement du sous-sol chez ses parents. A dix-neuf ans, enceinte de cinq mois, elle avait un grand besoin de l’aide et des bons soins de sa mère. Sa mère ne demanda pas mieux!
Les mois passèrent et elle n’avait toujours pas de nouvelles de Leslie mais ne perdit pas espoir. Elle lui avait finalement écrit une lettre lui annonçant qu’elle était enceinte et qu’elle l’aimait de tout son être mais qu’elle ne s’attendait à rien de lui, qu’il était libre de poursuivre sa vie s’il n’était pas prêt à faire face à cette situation. Izzy attendait et attendait toujours en espérant qu’il se manifeste, si pas pour elle au moins pour l’enfant qui était sur le point de naître. La tentation de lui réécrire lui a pris souvent mais Izzy finissait par se raisonner en se disant qu’elle ne voulait pas le brusquer à faire quelque chose qu’il ne voulait pas. Après tout c’est elle qui lui a dit qu’il était libre. Belle gaffe qu’elle fit là!
En balloune jusqu’aux dents, une semaine avant la date prévue pour l’accouchement, un caillot a passé dans la tête de la future maman quand elle est passée devant le miroir. Complètement découragée, écoeurée de se sentir comme un béluga, enflée de partout, Izzy s’est mise à crier et à pleurer toutes les larmes de son corps en déchirant à mains nues tous ses vêtements de maternité. Peu importe les paroles aimantes de sa mère, cette dernière n’arrivait pas à calmer sa fille.
« Enfin! Salut Enzo. Entre. Izzy ne sait pas que je t’ai appelé. J’avais peur que ça mette de l’huile sur le feu. »
« Inquiétez-vous pas Madame P. Je vais m’en occuper de votre fille. « Répondit Enzo en descendant les marches deux par deux pour rejoindre son amie.
Izzy était assise sur son lit à côté de la montagne de linge en charpies, encore en pleurs. Enzo s’est approché d’elle doucement, prudemment, comme on approche un chien qu’on ne connaît pas.
« Salut Izzy! Je t’ai apporté quelque chose. » Dit Enzo en lui tendant un sac en nylon.
« C’est quoi? » Demanda Izzy un peu irritée de se faire interrompre en pleine session de pétage de coche.
« Ouvre le sac et tu verras. » Lui dit Enzo.
Izzy ouvra le sac. Perplexe, elle regarde son contenu et demanda à Enzo : « Une tente? Tu m’invites en camping? Au cas ou tu ne t’en serais pas rendu compte, je suis enceinte et dû pour accoucher dans une semaine. C’est quoi la joke? »
« Ta mère m’a téléphoné. A ce qui paraît tu n’as plus aucun vêtement qui te fait. C’est la seule chose que j’ai trouvée dans ma garde-robe qui pourrait te faire. »
« C’est donc ben chien sale ça! » S’exclama Izzy en lui garrochant un oreiller.
Quand la guerre d’oreillers fut terminée, Enzo s’est assis à côté d’Izzy sur le lit et lui a pris la main. Il la regarda longuement dans les yeux et parla enfin : « Il ne reviendra pas Izzy. »
« Ça, tu ne peux pas le savoir! Personne ne peut le savoir! » Lui répliqua Izzy, sur la défensive.
« Izzy, dans le fond de ton cœur tu le sais autant que moi qu’il ne reviendra pas. Tu vas devoir l’accepter avant d’en faire une dépression. »
« Ah Enzo, pourquoi je ne lui ai pas demandé de m’écrire pour me dire ce qu’il compte faire? Pourquoi je lui ai dit que c’était correct s’il poursuivait sa vie comme si de rien n’était? Pourquoi je n’ai pas eu le courage de lui dire quand il était encore par ici? Je ne sais même pas s’il a reçu la lettre. Peut-être qu’il ne la jamais reçu et que c’est pour ça qui me donne pas de nouvelles. Peut-être… »
« Izzy arrête de te poser toutes ces questions. Tu vas t’en rendre malade. Je réalise à quel point ça te fait mal et si je pouvais t’enlever cette douleur je ferais tout pour mais tu dois regarder la réalité en face. Leslie est parti. Il a reçu ta lettre et il ne reviendra pas. Cet homme ne te mérite pas! » Dit Enzo, tellement triste de voir l’amour de sa vie souffrir autant, que lui aussi avait des larmes qui menaçaient de couler.
« Je te hais! J’espère que tu t’en rends compte. » Lui dit Izzy en le laissant la prendre dans ses bras.
« Oui je le sais et j’aimerais tant que tu m’haïsses encore plus. Moi aussi je te hais, mais je te défends de morver sur ma chemise. » Lui répondit Enzo en l’embrassant doucement sur le front.
Les deux amis sont restés ainsi, dans les bras l’un de l’autre pendant un long moment, jusqu’à ce que Izzy cesse de pleurer et qu’elle s’assoupît, complètement épuisée.
Une semaine plus tard jour pour jour, plus précisément le 4 août 1980 à Fort McMurray Alberta, Izzy accoucha par césarienne d’un beau garçon en santé, de 7 livres et 2 onces. Elle a passé proche de le nommer Leslie comme son père mais a vite changé d’idée quand Enzo lui a souligné la probabilité qu’il ferait rire de lui par les autres enfants avec un tel prénom de moumoune. Refusant également la suggestion de son meilleur ami de lui donner le prénom beaucoup plus masculin de Enzo, comme lui, elle a finalement opté pour Tyler. La naissance de son fils fut un des plus beaux moments de sa vie. Dommage que Leslie n’était pas là pour le vivre avec elle.
Chapitre 2
Izzy se contenta de faire son petit bonhomme de chemin, seule avec son fils. Elle habitait encore le logement du sous-sol chez ses parents, donc ça lui faisait une gardienne proche et fiable pour Tyler quand elle en avait besoin. Dès que sa santé lui a permis, elle reprit le travail en tant que commis aux pièces dans l’entrepôt de Syncrude, la plus grande raffinerie d’huile du Canada. Son travail consistait à fournir les pièces aux mécaniciens qui travaillaient sur place, sur la machinerie de l’entreprise. C’est d’ailleurs là qu’elle avait rencontré Leslie, avant qu’il quitte l’Alberta pour retourner dans sa ville natale au Labrador. Il était mécanicien de machinerie lourde.
« Allo Izzy, ça va? » Lui demanda Boone, un mécanicien au comptoir de l’entrepôt qui s’adonnait à être le meilleur ami de Leslie.
« Oui ça va bien. Ça fait un bail que je ne t’ai pas vu. Je ne sais pas si tu es au courant des dernières nouvelles, j’ai accouché d’un petit garçon. Je reviens tout juste de mon congé de maternité. Quoi de neuf de ton côté? » Lui demanda Izzy.
« Ça alors! C’est toute une nouvelle. Je ne savais même pas que tu étais enceinte. J’ai pensé que t’avais lâché ta job ici, que c’est pour ça que je ne te voyais plus. De mon côté je reviens du Labrador. J’y suis allé passer deux semaines. As-tu su pour Leslie? » Demanda Boone.
« Euh non, à vrai dire j’ai eu aucune nouvelle de lui depuis qu’il est parti. J’espère qu’il va bien? » S’informa Izzy.
« Oui il va très bien. Justement, la raison de mon voyage là-bas c’était pour lui servir de garçon d’honneur. Tu t’imagines? Leslie qui s’est marié. Je n’aurais jamais pensé ça de lui. J’aurais gagé qu’il deviendrait un célibataire endurci. » Lui raconta Boone.
Soudainement, suite à cette nouvelle, tout s’est mis à tourner pour Izzy. Elle n’a rien compris d’autre au sujet de la femme de Leslie. Les paroles de Boone lui bourdonnaient dans les oreilles. Ça lui prenait tout son petit change pour ne pas perdre connaissance. Elle se retourna sur un talon pour se diriger aux toilettes le plus rapidement possible. Elle tremblait de tout son corps et s’est mise à vomir sa peine, plutôt que la pleurer. Elle avait déjà versé suffisamment de larmes pour cet homme. Elle a décidé dès cet instant de ne plus jamais verser ne serais-ce qu’une seule larme pour Leslie.
Un coup le choc initial passé, Izzy est allée annoncer à son patron qu’elle ne se sentait pas bien et qu’elle retournait chez elle.
Son beau rêve de fonder une famille heureuse avec le père de son enfant fut terminé. Le réveil fut brutal. Izzy avait l’impression que tout s’écroulait autour d’elle et que tout espoir pour un avenir meilleur était perdu. Un grand vide l’envahit.
En arrivant chez elle, Izzy a demandé à sa mère si elle pouvait continuer de s’occuper de Tyler quelque temps. Elle est allée asseoir dehors par terre sur les marches de l’entrée. C’était le début de l’automne et les feuilles avaient déjà commencé à changer de couleur. Izzy adorait cette saison. Elle passa des heures, assise là, à contempler le paysage multicolore. A un certain moment, sa mère est sortie pour lui demander si elle avait faim ou soif. Izzy s’est contentée de lui répondre non d’un coup de tête. Lui répondre avec la voix était au-dessus de ses forces. Elle avait peur que le fait de prononcer qu’un seul mot engendre des questions à ne plus finir de la part de sa mère et ça, elle ne le supporterait pas, du moins pas pour l’instant.
Rendu à 7h30 le soir, sa mère était très inquiète. La noirceur était déjà tombée et il commençait à faire beaucoup trop froid pour être dehors vêtue d’un petit t-shirt comme Izzy l’était. Elle est allée demander à Izzy si elle avait besoin de quelque chose et lui apporta un café et une couverture, qu’elle déposa affectueusement sur les épaules de sa fille et retourna dans la maison quand elle entendit la sonnerie du téléphone.
« Fiouf, sauvé par la cloche! » Pensa Izzy.
Aussi prévisible que jamais, Enzo est apparu une heure plus tard. Il s’est avancé devant Izzy, lui a tendu les deux mains et l’a dirigée vers son auto. Izzy l’a suivie comme un automate, sans dire un mot. Il est retourné voir madame Perron quelques minutes pendant qu’Izzy attendait patiemment dans l’auto et il est ressorti avec un sac contenant assez de linge pour la fin de semaine ainsi que des produits de soins personnels.
Rendu à l’appartement d’Enzo, il s’est empressé de faire couler un bon bain chaud pour son amie et d’allumer plusieurs bougies en guise d’éclairage.
Pendant qu’Izzy se laissait bercer par l’eau parfumée à la lavande, Enzo à commandé une pizza et des frites de chez le restaurant préféré d’Izzy, Jasper’s Pizzeria. Ne faut surtout pas oublier les frites! Izzy lui répète assez souvent qu’une pizza sans frites c’est comme une toast pas de beurre de pinottes.
Izzy n’avait toujours pas dit un mot mais ce qui était surprenant et rassurant c’est qu’elle mangea quand même avec appétit. Après leur repas, Enzo invita Izzy à s’asseoir au salon. Il lui tendit un verre de rhum ‘n coke et s’est assis à ses côtés.
« Tu sais que je ne suis pas assez chien sale pour te dire ‘‘je te l’avais dit’’. » Enzo brisa enfin le silence.
« Il ne reviendra pas jamais han? Il ne verra jamais son fils? Il ne m’a jamais aimée, même pas un petit peu? Je vais dire quoi à Tyler quand il sera grand et me posera un tas de questions au sujet de son père? Pourquoi personne ne m’aime? Suis-je si moche que ça? Sa femme avait quoi de plus que moi? Ça pas de sens! Ça s’est donc bien fait vite! C’est quoi? Il la connaissait déjà quand il me fréquentait? Je vais devoir passer ma vie seule. Personne ne voudra de moi, une femme monoparentale, moche et grosse. » Dit Izzy, tout d’une traite sans prendre le temps de respirer entre les phrases.
« Tu n’es pas moche ni grosse! Je suis sûr que plein d’hommes voudront de toi. Tu es une personne exceptionnelle Izzy. Tu es sensible, douce, drôle, intègre, loyale, intelligente, travaillante, honnête, jolie et tu fais d’la maudite bonne bouffe. Pis j’te gage que l’autre pouffiasse que Leslie a mariée n’est même pas capable de faire un killer pompier aussi bien que toi. Leslie la connaissait déjà, c’est clair. Estie! Il habite au Labrador! Le monde doit tous se connaître par là-bas. C’est peut-être même une de ses cousines. » Dit Enzo pour essayer de la consoler de son mieux, quitte à utiliser les pires sarcasmes et vacheries à l’égard des nouveaux mariés.
« Qu’est ce que t’en sais si je fais des killer pipes ou non? » S’est empressée de demander Izzy, les yeux ronds comme des billes, le regard complètement traumatisé que son meilleur ami oserait émettre un tel commentaire.
« Ben, j’me suis laissé dire que tu avales, alors j’en ai conclu que tu devais avoir maîtrisé une certaine technique. » Répondit Enzo avec un petit sourire en coin.
« Va chier, mange d’la marde! Ce n’est même pas vrai que quelqu’un t’a dit ça, menteur. Je te hais! » S’écria Izzy en riant.
« Moi aussi je te hais ma pitoune, moi aussi… Bon, on fait quoi là? T’as le goût de parler ou faire dodo en cuillère avec moi dans mon lit, ou faire dodo sur le divan, toute seule et en manque de sexe et risquer de faire des ‘‘wet dreams’’ en pensant à mon corps musclé toute la nuit, consciente dans ton inconscience que je suis juste dans la pièce à côté? » Lui demanda Enzo en se caressant les pectoraux musclés imaginaires.
« T’es malade avec ton corps musclé. T’es bâti comme Gilles Latulipe! Je vais dormir seule comme une grande sur ton divan mais merci pour l’offre. » Répondit Izzy en riant de bon cœur.
Après avoir rit un bon coup, ils reprirent tous les deux leur sérieux. Enzo prit la main d’Izzy et sans réussir tout à fait à la regarder dans les yeux lui dit : « Izzy, euh, je sais que le temps est très mal choisi ce soir mais j’ai quelque chose à te dire. À vrai dire, j’ai quelque chose à t’avouer. Ça fait longtemps que je garde ça en dedans de moi et euh, ben, pour ce soir je veux juste te dire que bientôt on va devoir se parler, c’est tout. Bonne nuit. A demain! Si t’as besoin de quoi que ce soit, tu n’as qu’à me réveiller. »
Enzo embrassa Izzy tendrement sur la joue avant de se retirer dans sa chambre.
Izzy s’allongea sur le divan. Un peu perplexe, elle repassa dans sa tête les dernières paroles que lui a dit Enzo. Qu’est ce qu’il pouvait bien avoir à lui avouer?
C’est bizarre ça, le fait qu’il n’était pas prête à lui en parler. Habituellement quand il a quelque chose à dire il n’y va pas par quatre chemins. Finalement elle est arrivée à la conclusion qu’il doit avoir dit ça juste pour qu’elle occupe ses pensées à essayer de deviner le mystère plutôt que de penser à Leslie. C’était son style de faire ça. Cré Enzo! Que ferait-elle sans lui?
Elle s’est mise à penser au fait qu’il n’avait jamais vraiment eu de blonde, du moins pas depuis le secondaire. Il est peut-être gai. C’est peut-être ça qu’il veut lui avouer! Nah! Pas Enzo. C’est quand même curieux que… Et elle s’endormît sur ces pensées.
Le lendemain matin, Enzo qui ne cuisine que très rarement, s’est vraiment surpassé. Pour le petit déjeuner il a fait des œufs, du bacon et des petites pommes de terres rissolées que Izzy aime tant. Comme breuvage, il a fait du bon café à saveur de chocolat suisse au percolateur.
Enzo pris une gorgée de café et se décida à parler : « Izzy j’ai une nouvelle à t’annoncer. Je dois partir pour le Texas mercredi prochain. La compagnie me paie un cours sur comment combattre les incendies industriels. Je vais devoir rester là-bas pendant trois mois. »
« Ouf trois mois c’est long! Tu vas habiter dans un hôtel j’imagine? Comment se fait-il que c’est toi qui as été choisi? Tu as fait la demande ou c’est eux qui te l’ont proposé? » Demanda Izzy.
« Oui la compagnie va me payer mon salaire habituel plus mes dépenses là-bas, telle que ma chambre d’hôtel etc. C’est mon boss qui ma demandé si ça m’intéressait d’y aller. Puisque je fais partie de l’unité d’urgence pour Syncrude ça leur prenait un homme perfectionné en la matière. J’ai déjà suivi un cours de pompier v’la une couple d’années mais ça couvrait pas mal juste la base, pas tout à fait suffisant pour les feux de raffinerie d’huile en tout cas. » Expliqua Enzo.
« C’est une maudite belle opportunité! Wow le Texas! Tu vas devoir me ramener un chapeau de cow-boy et le beau cow-boy, riche qui vient avec aussi, si tu peux. » Dit Izzy.
« Oui en effet, c’est une belle opportunité mais si tu me dis que tu as besoin de moi ici je n’hésiterais pas à rester. T’es certaine que tu seras correcte? Je sais que tu es forte et tout mais je t’avoue que ça m’inquiète de devoir te laisser comme ça avec ce que tu vie en ce moment. » Dit Enzo.
« Oui Enzo, part l’esprit tranquille. Je vais être correcte. Je suis contente pour toi. Au pire, si je m’ennuie trop j’irai te rejoindre là-bas et on pourra passer une fin de semaine ensemble. » Proposa Izzy.
« Ben oui! Ça serait le fun. » Dit Enzo un peu mieux rassuré.
« Dis-moi, c’est à ça que tu faisais référence hier soir, que tu voulais m’avouer? » Demanda Izzy.
« Non, c’est autre chose de plus délicat. Tu vas devoir attendre mon retour pour le savoir. » Lui répond Enzo en lui faisant un clin d’œil.
« Enzo, euh, tu me le dirais si tu étais gai han? Je veux dire, j’espère que notre amitié est assez solide que tu te sentirais complètement à l’aise de me le dire. Je veux pas dire que je pense que tu l’es là mais si jamais tu l’étais. Je parle hypothétiquement. » Demanda Izzy.
« Izzy, je ne suis pas gai mais si je l’étais, je me sentirais bien à l’aise de te le dire et surtout, surtout, jamais je ne t’aurais invitée à dormir dans mon lit la nuit passée. » Lui répondit Enzo en s’éclipsant pour aller prendre sa douche.
« Ouin mais ça, dormir en cuillère avec toi, je sais trop bien que tu me niaisais. Non? Non? Enzo? » Demanda Izzy.
« Non ça se peut pas. C’est sûr qu’il me niaisait. C’est mon meilleur ami. Voyons donc, voir s’il aurait voulu se coller contre moi. Ridicule! » Se dit-elle en chassant ces pensées de sa tête.
Chapitre 3
Le téléphone sonna en fin d’après-midi, un certain samedi en fin d’octobre.
« Allo? » Répondit Izzy.
« Heille Izzy! Ça te tenterait d’aller chez Lucifer’s avec moi ce soir? C’est le groupe de mon chum de gars qui sera là. Ça devrait être le fun. » Demanda Roxanne, une copine de travail.
« Ah bien oui, ça me ferait plaisir de t’y accompagner. » Répondit Izzy.
« Super! Alors on se rencontre là-bas vers 9h00. » Dit Roxanne.
Elle était contente de l’invitation et était sûre que ça lui ferait du bien de sortir et de voir du monde un peu à l’extérieur du milieu de travail. Izzy n’était pas sortie depuis que Enzo est partie à Houston il y a deux semaines. Elle commençait à s’ennuyer de lui. Il n’avait pas donné de ses nouvelles depuis qu’il a quitté donc il devait être très occupé. Peut-être qu’il avait fait la rencontre d’une charmante demoiselle aussi, pensa t-elle.
Drôle de coïncidence, Izzy avait passé l’après-midi à magasiner pour de nouveaux vêtements. Elle avait donc l’embarras du choix pour sa sortie. Elle choisit de porter une blouse grise pâle à petites rayures roses et noires avec une jupe moulante noire.
À 9h00 précis, Izzy se fraya un passage à l’entrée du club pour rejoindre Roxanne. Cette dernière avait déjà pris l’initiative de leur choisir une table près de la scène.
« Salut Izzy! J’espère que tu es en forme ce soir. Nous allons bien nous amuser, tu vas voir. Le groupe est super bon et entraînant. » Dit Roxanne.
« J’espère bien m’amuser parce que je n’ai pas trop la chance de sortir maintenant que je suis mère. Je veux en profiter au maximum. » Répondit Izzy.
Quelques minutes après son arrivée, un jeune homme s’est présenté à la table de Roxanne et de Izzy.
« Heille, salut Rox! J’ai bien pensé te voir ici ce soir. Ça ne vous dérange pas trop si j’me joins à vous? » Demanda l’homme, sans vraiment s’attendre à un refus, même que cette rencontre imprévue semblât être arrangée avec le gars des vues. Il s’empressa de donner la main à Izzy et se présenta à elle comme étant Randy Carry, un ami de Robert, le conjoint de Roxanne. Au fait ils étaient tous les deux natifs de la même petite ville en Ontario. Randy avait déménagé à Fort McMurray trois mois auparavant suite à l’invitation de son ami dans l’espoir de se trouver un emploi.
Une vie de chasteté forcée depuis sa grossesse provoquant une libido dans le tapis, ainsi qu’une demi-douzaine de rhums ‘n coke et petit joint à l’entracte aidant, Izzy est tombée sous le charme de ce cher Randy. Faut dire qu’il avait un petit style ‘‘bad boy’’ qui plaît à beaucoup de femmes. Ce qui devait arriver, arriva, quand Izzy les a invités tous les deux chez elle à la fin de la soirée. Comme de raison, Roxanne n’a pas restée longtemps, laissant aux nouveaux tourtereaux la chance de mieux se connaître.
Le lendemain matin, Roxanne ne fut pas trop surprise d’apprendre au téléphone avec Izzy que Randy était encore là. Par contre, ce qui l’a surprise c’est qu’il était encore là une semaine plus tard.
Izzy et Randy se sont épris l’un de l’autre presque immédiatement. Ce fut un vrai coup de foudre et ça frappé vite et fort. Assez que seulement un mois plus tard, Randy demanda la main de Izzy en mariage. Elle accepta et ils fixèrent la date pour le 6 avril l’année suivante. Ce qui veut dire un peu plus que cinq mois après leur première rencontre.
***
Curieusement, les semaines passèrent et Enzo n’avait toujours pas donné de ses nouvelles. Ça faisait maintenant presque deux mois qu’il était parti. Izzy commençait à s’inquiéter sérieusement. Auparavant elle se convainquait qu’il devait avoir rencontré quelqu’un là-bas mais quand même, il aurait pu l’appeler. Elle n’en pouvait plus d’attendre pour lui annoncer ses fiançailles. Faut dire aussi que depuis qu’elle fréquentait Randy elle n’était pas souvent chez elle pour prendre ses appels.
Deux semaines avant la date prévue de son retour, Enzo a enfin donné signe de vie. L’appel fut très bref et très mystérieux. Izzy n’a même pas eu la chance de lui dire qu’elle était fiancée car lui aussi avait une nouvelle à annoncer à Izzy. Non, il n’avait pas rencontré quelqu’un. À vrai dire, la nouvelle n’était pas très bonne de son côté. Il raconta que lors de sa troisième semaine au Texas on lui a fait traverser un labyrinthe en flamme dans un vieil habit déchiré en amiante. Pendant cet exercice il a trébuché et s’est cassé la cheville. Avant qu’on réalise qu’il était en difficulté et qu’on aille lui porter secours il avait eu le temps de subir des brûlures sévères au visage. Il avait donc passé le reste du temps à l’hôpital. Il n’a pas voulu alerter personne pour ne pas qu’on se fasse du mauvais sang à son égard. Il a raccroché le téléphone en disant qu’il irait la voir à son retour le lendemain après-midi que là il devait se dépêcher pour ne pas manquer son vol.
***
En route chez Izzy, Enzo était très nerveux. Même s’il savait que Izzy n’était pas du tout superficielle et qu’elle se foutait de l’apparence des gens, il craignait voir un dédain dans ses yeux quand elle le reverrait. Les nombreuses cicatrices sur son visage étaient encore très rouges et enflées et bien que les spécialistes l’ont rassuré que ça paraîtra beaucoup moins avec le temps, il devra s’attendre à rester quelque peu défiguré.
Enzo était également nerveux de la revoir après tout ce temps car depuis le jour de son accident, il avait un pressentiment qu’il se passait quelque chose de pas très bien dans sa vie, possiblement quelque chose de dangereux même pour elle. Attention, il n’était pas du genre à croire au paranormal ou aux dons de voyance mais le fait demeure qu’il se sentait très mal à l’aise sans en connaître la cause. Ce que ni Enzo, ni Izzy ne savaient c’est que la journée qu’elle a rencontré Randy était la même que celle ou Enzo s’est brûlé. Simple coïncidence?
Enfin arrivé chez Izzy, Enzo n’a pas tardé à réaliser que finalement son instinct ne s’était pas trompé. L’accueil fut plutôt froid de la part de Randy, se limitant à une poignée de main très sèche et rapide. Il s’est assis en retrait et ne s’est pas du tout joint à la conversation. Tout le temps que Enzo était là, Randy a passé son temps à regarder sa montre et soupirer comme on fait quand on a hâte que quelqu’un sacre leur camp de chez nous.
Izzy était plus réservée qu’à l’habitude. Elle semblait se retenir pour ne pas démontrer qu’elle s’était ennuyée de Enzo.
« En tout cas ma pitoune laisse moi te dire que j’ai hâte de reprendre mon travail habituel. C’est fini pour moi la folie de vouloir faire un métier pour sauver le monde. Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie! » Dit Enzo en finissant de raconter sa mauvaise aventure.
Aussitôt que Enzo l’a appelé sa ‘‘pitoune’’ Izzy tourna son regard vers Randy, qui lui à son tour se leva d’un bond et dit avec un ton très bête: « Bon Enzo, désolé mais il approche l’heure de souper. Je vais être obligé de te demander de partir. Izzy et moi avons des projets. »
Ce qui a blessé Enzo le plus, ce n’est pas ce que ce connard lui a dit en le chassant pratiquement comme un voleur de l’appartement de sa meilleure amie. Ce qui lui a fait le plus de peine c’est que Izzy n’a rien dit. Habituellement elle n’aurait pas tardé à remettre une personne aussi impolie à sa place. C’était on ne peut plus clair que Randy était un homme, que dis-je, un rectum, très possessif. Enzo est retourné chez lui cette journée là avec le cœur brisé. Non seulement il réalisa enfin qu’il n’a aucune chance un jour d’être l’élu du cœur d’Izzy, leur belle grande amitié et complicité venait d’en manger un méchant coup. Peut être même un coup qui terminera leur relation. Il va quand même essayer de lui parler seule le plus vite possible, pour mieux comprendre ce qui s’est passé en elle en si peu de temps pour en être devenue cet imposteur de femme qui semble avoir les caractéristiques d’être soumise à son homme. Où est Izzy?
***
Étendue dans son bain, Izzy pensa à son après-midi et repassait sans cesse la conversation qu’elle a eue avec Randy concernant la visite de Enzo…
« Il était temps qu’il parte celui-là! Veux-tu bien me dire où tu as pêché ce spécimen. Je n’en reviens tout simplement pas qu’il te cruise ouvertement comme ça, dans ma face en plus! Faut être culotté rare. » Se plaint Randy.
« Ben non, il ne me cruisait pas! Il m’a toujours appelée comme ça, sa ‘‘pitoune’’. C’est juste un petit mot affectueux et strictement amical. » Lui expliqua Izzy pour défendre son ami. Elle était quand même un peu flattée de la crisette de jalousie que lui faisait Randy. C’est la première fois que quelqu’un tenait à elle assez pour démontrer de la jalousie. « Il doit vraiment m’aimer. » Se dit-elle.
« Izzy je vais t’expliquer certaines choses. Tu es une femme qui a tellement un bon cœur que t’as tendance à faire confiance à n’importe qui. Prends-le pas mal, je ne veux pas te faire de la peine, bien au contraire, je te dis ça pour te rendre service. Je te trouve un peu naïve. Je dis pas que t’es pas intelligente là! Je dis juste que des fois tu ne prends pas le temps de réfléchir. C’est tellement évident que ce gars-là est bandé sur toi. Tu demanderas à Roxanne si tu ne me crois pas. Juste à voir la façon qu’il te regardait n’importe qui d’autre l’aurait deviné. Shit, le gars te déshabillait carrément des yeux. » Accusa Randy.
« Tu sais Randy, Enzo et moi on se connaît depuis des années et il ne s’est jamais rien passé entre nous. Il a toujours été là pour moi et même dans des instants ou j’étais très vulnérable, il n’a jamais essayé d’en profiter. J’ai bien de la misère à croire qu’il est ‘‘bandé’’ sur moi. Peut-être simplement que tu n’as pas eu une bonne première impression de lui. Ça se peut ça. Je te demande juste d’être ouvert d’esprit et de lui donner une deuxième chance. Ça serait vraiment plate pour moi d’être prise entre vous deux. En passant, tant qu’à mettre les choses au clair entre nous, je dois te dire que je n’ai pas trop aimé ta façon de lui dire qu’il devait quitter, en plus de lui mentir en disant qu’on avait des projets ensemble. Enzo et moi avons toujours été honnêtes l’un envers l’autre et je ne veux pas que ça change. » Répliqua Izzy.
« Tu veux vraiment mettre les choses au clair? Ok c’est ce qu’on va faire! Premièrement, tout l’après-midi je me suis senti rejet. C’est comme si je n’existais pas. Là tu me dis que tu ne veux pas être prise entre nous deux? J’ai mon voyage! Dire que je t’ai cru quand tu m’as dit l’autre soir que j’étais l’homme de ta vie et qu’à part ton fils j’étais la personne la plus importante pour toi. Si je comprends bien, si je n’arrive pas à endurer ton moron en rute c’est possible que je doive prendre le bord? Va falloir que tu m’expliques ça là. » Dit Randy.
« Pour ce qui est de lui dire qu’il devait quitter, je commençais à avoir faim et désolé de te dire ça mais y’était pas question que je mange avec lui à table assis en face de moi. Ciboire, on dirait qu’il s’est passé la face dans un moulin à viande. Comprend moi bien, je sais que c’est pas de sa faute et c’est terrible ce qu’il lui est arrivé mais j’y peux rien, le cœur m’aurait levé de le voir manger dans cet état. Aurais-tu aimé mieux que je quitte la table pour vomir? Tu ne penses pas qu’il aurait été encore plus insulté si j’avais fait ça? Le gars avait l’air de vouloir sécher ici. » Ajouta Randy.
Izzy ne savait plus trop quoi dire ni penser de cette situation. Elle aurait tellement aimé que les deux hommes deviennent de bons amis. C’est loin d’être chose faite! On ne peut pas forcer les gens à s’aimer.
« Je veux juste préciser que c’est sûr, si je dois absolument faire un choix entre toi et Enzo, c’est toi que je vais choisir. J’ai accepté d’être ta femme! Ça veut tout dire ça me semble. Par contre, oui, je vais trouver ça très plate de devoir le faire. Enzo je ne l’aime pas en amoureux mais c’est mon meilleur ami et je l’aime d’un amour fraternel. Là je vais aller prendre un bon bain et me coucher, je dois me lever tôt demain, je travaille de jour. Restes-tu à coucher? »
« Euh non, je pense que je vais aller dormir chez moi. Ça va m’aider à décompresser de cette situation. Si je reste ici je vais penser à ça toute la nuit et je ne dormirai pas. » Répondit Randy. Il embrassa Izzy et il quitta.
Chapitre 4
Le grand jour arriva enfin. Izzy terminait les préparatifs de dernière heure du mariage tout en profitant du calme dans sa chambre à coucher, pour savourer les quelques minutes de célibat qui lui restait. Randy, quand à lui, faisait sûrement la même chose chez Roxanne et Robert, où il habitait depuis quelques mois.
Les tourtereaux avaient choisi de se marier au Palais de Justice plutôt qu’à l’église puisqu’il n’y aurait pas beaucoup d’invités du côté de Randy. Il n’avait pas habité à Fort McMurray assez longtemps pour tisser des liens d’amitié et dans sa famille, les seuls à avoir accepté l’invitation furent son père et sa sœur Deedra.
Si Izzy s’était fié aux nombres de RSVP reçus, il y aurait eu une trentaine d’invités présents. Elle n’avait pas reçu la réponse de Enzo, bien que ça ne la surprenne pas vraiment. Leur amitié semblait avoir fondu comme neige au soleil. Les deux hommes les plus importants dans sa vie n’étaient pas capables de se blairer et il n’y avait rien qu’elle puisse faire pour changer ça. Forcément et pas sans chagrin, elle en est venue à devoir délaisser Enzo mais sans pour autant couper les liens complètement. Elle aurait vraiment apprécié que les deux puissent mettre leurs différents de côté, même si ce n’est que pour cette unique occasion. Enzo était incapable d’accepter qu’elle se marie à Randy. Il passait son temps à lui répéter qu’elle faisait une grave erreur et qu’elle ne le connaissait pas suffisamment, qu’il était possessif etc. C’est vrai que Randy avait un tempérament un peu trop jaloux et se choquait facilement quand un autre homme s’approchait d’elle mais au moins ça démontrait qu’il tenait à elle.
Quelqu’un sonna à la porte d’entrée en haut. Izzy n’en porta pas vraiment attention puisque sa famille était là pour répondre. Quelques secondes plus tard, elle entendit quelqu’un descendre et ce quelqu’un cogna à la porte de son appartement. Perplexe, elle se demanda bien qui pourrait arriver comme ça chez elle à peine une heure avant son mariage. Elle ouvrit la porte et à son grand étonnement c’était Enzo.
« Enzo? Veux-tu bien me dire ce que tu fais ici? Le mariage est au Palais de Justice à 4 heures. Les invités reviendront ici qu’après la cérémonie… »
« Je sais tout ça. S’il te plaît, j’aimerais te parler avant que tu te maries, car après il sera trop tard. Je te demande que deux minutes. » Supplia Enzo.
« Écoute, si tu es venu ici juste pour rabaisser Randy je te prierais de quitter immédiatement. J’en ai assez de tout ça. Je te trouve pas mal effronté de venir ici la journée de mon mariage pour critiquer mon futur époux. Même si ça ne fait pas ton affaire le mariage aura lieu un point c’est tout. » Lui répondit Izzy.
« Izzy je sais très bien que rien de ce que je peux te dire affectera ta décision d’épouser cet homme. Je ne suis pas ici pour essayer de t’en dissuader. Te souviens-tu avant mon voyage au Texas, je t’avais dit qu’à mon retour j’aurais quelque chose à te dire, quelque chose à t’avouer en fait? » Demanda Enzo.
Izzy n’était plus certaine de vouloir entendre ce que Enzo avait à lui confier mais sa curiosité l’a emportée et elle a acquiescé.
« Ce que j’ai à te dire est très difficile pour moi. Si j’ai déjà compté pour toi le moindrement, je te supplie de m’écouter et de ne pas m’interrompre, peu importe ce que je vais te dire. Je ne veux même pas que tu hoches de la tête. Ensuite quand j’aurai terminé, je vais quitter. » Commença Enzo.
Izzy s’est retenu pour ne pas hocher la tête, tel que demandé. Elle a cependant pris les mains d’Enzo dans les siennes et l’a tiré vers le lit pour qu’il s’assoie à ses côtés. Enzo la regarda dans les yeux pendant quelques secondes, le temps de retrouver son courage et poursuivi son monologue.
« Je t’aime Izzy. Je t’aime d’un amour profond, entier, inconditionnel, éternel et tout sauf fraternel. Je t’aime comme ce n’est pas possible d’aimer quelqu’un. Je t’aime de toutes mes tripes, de tout mon être. Je t’aime tellement que je vais te laisser aller car même si je suis convaincu que Randy n’est pas un bon choix, je ne le suis pas plus. Je t’aime tellement que je vais devoir quitter mon emploi et cette ville car je ne supporterais pas de te voir avec lui. Il va te faire du mal ma pitoune et je n’y peux rien. Randy n’est qu’un placebo pour Leslie. Tu es trop aveuglée par ta peine de l’avoir perdu pour le réaliser. Je le comprends très bien ce que tu ressens car je ressens cette même forme d’amour envers toi. La seule différence entre nous c’est que j’ai appris de ton erreur et je suis ici à t’avouer mes sentiments. »
Enzo retira un bout de papier sur lequel était écrit un numéro de téléphone et il le mit dans les mains de Izzy. « Ceci est le numéro de la chambre d’hôtel ou je vais être jusqu’à minuit ce soir. Si jamais tu changes d’idée et que tu ne te maries pas aujourd’hui, tu m’appelleras à ce numéro. Si tu ne me téléphones pas avant que je quitte, tu ne connaîtras jamais ma destination et on ne se reverra plus jamais de notre vie. »
Enzo pris alors la main gauche de Izzy dans la sienne, retira la bague de fiançailles de son doigt et la remplaça par une bague identique qu’il sortit de sa poche. Izzy était trop sous le choc pour réagir. Les larmes coulaient le long de ses joues. Ça lui a pris une maîtrise de soi indescriptible pour ne pas dire un mot mais elle lui devait ça, au moins ça.
« Adieu ou au revoir ma douce Izzy. Si tu m’appelles d’ici minuit, tu peux considérer cette bague comme étant ma demande en mariage. Sinon, garde-la en souvenir de l’amour que j’ai pour toi. » Termina Enzo. Il quitta.
Izzy s’est dépêché à regarder par la fenêtre, son grand ami quitter. Avant d’embarquer dans son auto il a retiré quelque chose de sa poche de jeans et l’a lancé de toutes ses forces, le plus loin possible dans le champ de l’autre côté de la rue.
***
Tel que planifié, Izzy s’est mariée à Randy cet après-midi-là à quatre heures. Certains diront que c’est un signe de chance quand il pleut le jour d’un mariage, alors si on suit cette logique, la tempête de neige qu’il y a eu en ce début avril, quand ça faisait deux semaines que le sol était sec, devrait être de bon augure, cependant…
La cérémonie a pris un gros cinq minutes. On ne peut pas dire que ce fût un moment magique! Le juge de paix a récité les lois du mariage avec une voix très monotone. Après, les fiancés ont échangé leurs vœux et leurs alliances et finalement le juge les a déclarés mari et femme, pour le meilleur et pour le pire jusqu’à ce que la mort vous sépare.
Jusqu’à ce que la mort vous sépare… Cette petite phrase a hanté Izzy pendant trois longues années. C’est-à-dire les trois ans qu’a duré leur mariage. La première fois qu’on lui a garroché cette phrase en pleine face Izzy s’en souvient comme si c’était hier. Ça faisait un mois qu’elle était mariée et c’était la première fois que Randy la frappait. C’est sa propre mère qui lui a dit ça quand elle est montée en haut dans le but de recevoir un peu de réconfort.
« Randy c’est quoi ton dessert préféré? » Demanda Izzy lorsqu’ils étaient assis à table pour le souper.
« Je dirais le soufflé au chocolat que ma mère fait. » Répondit Randy sans hésitation.
« Ha ha ha, le soufflé au chocolat? Ta mère sait faire ça? » Demanda Izzy en ricanant.
En garrochant son assiette de pâté Chinois en direction d’Izzy, Randy lui cria : « Oui ma mère sait faire ça et en plus elle sait certainement comment faire cette merde que tu m’as faite pour souper! »
« C’est quoi ton problème? Je suis juste surprise à cause que tu me disais l’autre jour que ta mère cuisine très mal, même que ce n’est pas mangeable la plupart du temps. Un soufflé ce n’est quand même pas si facile que ça à faire. Je pensais que tu me niaisais, c’est tout. C’est pas une raison de me pitcher ta bouffe par la tête! En tout cas ce n’est pas moi qui vais ramasser ça. »
« Tu veux gager là-dessus? Je vais te le faire lécher le plancher comme la chienne que tu es. » Dit Randy en se levant et en tirant Izzy par les cheveux. Il l’a jetée par terre avec force et lui a mis le visage dans le dégât de nourriture. Izzy s’est débattue autant qu’elle pouvait. Randy lui a alors donné un coup de poing sur le bras. « T’es mieux de tout ramasser avant que je revienne sinon ça va aller mal! » Lui dit Randy en laissant Izzy par terre en pleurs. Il quitta alors l’appartement sans lui dire ou il allait.
Dès qu’elle a entendu la porte refermer, elle s’est levée et est allée raconter sa chicane à sa mère. Elle ne savait plus quoi penser de tout ça. Elle avait l’impression de vivre un cauchemar et s’attendait à se réveiller d’une minute à l’autre.
« Izzy il y a à peine un mois de ça, tu as promis d’aimer cet homme jusqu’à ce que la mort vous sépare. On ne fait pas de promesses comme ça en vain. C’était à toi d’attendre de mieux le connaître avant de l’épouser. Il est trop tard maintenant. Tu dois vivre avec les conséquences de tes choix. Maintenant tu vas redescendre en bas et tu vas nettoyer le dégât. Randy, à ce que je peux voir, a un tempérament prime. Tu vas devoir apprendre à te retenir de dire tout ce qui te passe par la tête. Le silence est d’or. » Lui dit sa mère.
Izzy est redescendue chez elle, plus confuse qu’elle ne l’ait jamais été de sa vie. Elle a nettoyé le dégât et est allée se faire couler un bain. Ses yeux étaient maintenant très enflés à force de pleurer, alors avant d’embarquer dans l’eau, elle a pris de la glace dans le congélateur et l’enveloppa dans une débarbouillette. Elle resta comme ça dans son bain avec la glace sur les yeux pendant une bonne heure. Randy n’était toujours pas de retour et il n’avait pas appelé pour lui dire ou il était. Elle se doutait qu’il était dans un bar quelque part. Elle décida de ne pas l’attendre et plutôt que d’aller dans leur lit, elle est allée dans la chambre de Tyler se coucher dans le lit jumeau qui s’y trouvait. Tyler était encore trop petit pour ce lit et dormait dans sa bassinette.
A trois heures du matin, Randy est revenu au bercail. Laissant une traînée de linge jusqu’à son lit, c’était facile de deviner qu’il était ivre quand il est entré. Il ne se réveilla pas avant le lendemain après-midi.
Izzy était assise par terre et jouait avec Tyler quand Randy est entré dans la pièce.
« Izzy je peux te parler s’il te plaît, sans que le petit soit présent? Tu peux demander à ta mère de le surveiller quelques minutes le temps qu’on discute. » Demanda Randy.
Sans dire un mot, Izzy s’est levée et est allée porter Tyler en haut chez sa mère. Elle redescendit aussitôt et est allée rejoindre son mari sur le divan.
« Izzy je suis tellement désolé de ce que je t’ai fait hier soir. Je t’en supplie, pourras-tu un jour me pardonner? Je suis juste un chien sale. Je ne peux pas croire que j’ai pu te faire ça. Je m’hais tellement ce matin. Izzy je peux me mettre à genoux si tu veux mais dit moi quelque chose. » Dit Randy en s’agenouillant par terre, les larmes aux yeux, avec le regard de chien battu. « Je ne sais pas ce qui s’est passé dans ma tête. Ça doit être à cause de ma job. Je pense qu’ils sont sur le bord de me mettre à pied. Je te jure que je ne te ferai plus jamais mal comme ça. Je t’aime tellement! Tu es toute ma vie. »
Izzy regarda Randy dans les yeux et il avait tellement l’air sincère qu’elle l’a cru. Une fois n’est pas coutume à ce qu’on dit. Dans le fond, elle n’a pas été correcte de rire de sa mère comme ça. Lui, il a le droit, c’est sa mère. Elle prit Randy dans ses bras et l’embrassa et lui dit qu’elle lui pardonna.