Exprimer ces mots durs se faisait sans trop d’arrières pensées quand j’étais petite. Comme la plupart des enfants, dès que quelque chose n’allait pas à mon gout, je ne me cassais pas la tête, tu n’étais plus mon ami! Du moins, c’est comme ça qu’on agissait jusqu’à ce que les adultes nous expliquent le pardon, et nous y ordonnent même, bien souvent. On nous disait “demandes-lui pardon et accordez-vous!” À la fin de ma cinquantaine, j’aurais pensé que de devoir réciter ces mêmes mots durs à un ami était chose du passé. Ce n’est plus aussi noir ni blanc maintenant, nous avons l’option de pardonner, sans pour autant “nous accorder” par la suite. Nous pouvons pardonner pour nous-mêmes, question de nous enlever le poids de la rancoeur qui nous pèse sur les épaules. Je vous avoue n’avoir jamais trop compris ce principe, et pourtant, je ne me trouve pas particulièrement rancunière. On dit souvent “Je pardonne, mais je n’oublie pas!” Il me semble que si on n’oublie pas, on n’a pas véritablement pardonné.
Il y a quelques mois, j’ai retrouvé, tout à fait par hasard, un ancien ami que je n’avais pas revu depuis un peu plus de vingt ans. J’étais bien contente de renouer notre amitié, mais en même temps triste de découvrir à quel point sa vie n’avait pas été facile ces dernières années. Il se disait polytraumatisé suite à un accident de moto. Terriblement souffrant, on lui avait cependant refusé l’aide médicale à mourir. Sa volonté de mettre fin à ses jours causa l’incompréhension et l’inacceptation chez sa femme qui l’a finalement laissée, prenant tous leurs biens matériels et argent avec elle. Pour la même raison, ses enfants auraient eux aussi coupé les ponts, lui interdisant même d’avoir accès à ses petits-enfants chéris. Bref, il était seul au monde, pauvre, vivant dans un minuscule appartement.
Par la suite, cet ami venait chez nous chaque semaine pour nous rendre visite, et je lui parlais pratiquement tous les jours sur Messenger ou au téléphone. J’ai passée d’innombrables heures à m’inquiéter pour lui, à tenter de trouver les bons mots pour lui redonner gout à la vie, à l’aider du mieux que je pouvais. C’était avant…
Je les ai enfin trouvés les “bons mots”! Il s’agit des mêmes mots durs que lorsque j’étais enfant; tu n’es plus mon ami! Cependant, contrairement à quand j’étais petite, il n’y a aucun pardon possible venant de moi. À vrai dire, il n’y a pas de rancoeur non plus. Il y a juste de la tristesse d’avoir ouvert mon coeur à ce grand menteur compulsif, et d’avoir gaspillé mon énergie positive sur lui alors que tout ce qu’il nous racontait n’était que mensonges après mensonges. Enfin, presque tout! C’est vrai qu’il est tout fin seul, du moins en attendant qu’il se trouve une autre cible! J’ai quand même attendue quelque temps avant de le confronter de peur qu’il pose un geste irréparable, mais je suis convaincue maintenant qu’il cherchera tout simplement à nous remplacer.
La morale de cette histoire est, si un ami ne vous respecte pas assez pour ne pas vous mentir en pleine face à répétition, dans un seul but que de vouloir attirer votre attention et votre pitié, ce n’est pas un ami! C’est ce qui s’apparente à une sangsue, sauf que c’est votre énergie qu’il siphonnera. Bon débarras!